31/08/2003
Finir sur la haine ordinaire
-Mr. F: Non, ce n'est pas la peine de
faire une feuille de soins, je ne me ferais pas rembourser ma consultation...
-Moi: Ah bon! vous n'êtes pas affilié à
la sécu?
-Mr. F: Cela fait plusieurs semaines que
j'essaie d'avoir une carte vitale, mais à chaque fois ils me disent
qu'il manque un document à mon dossier.
-Moi: Mais vous avez tout de même un numéro
de cotisant?
-Mr. F: Oui, mais ça ne leur suffit
pas. La dernière fois, je suis allé pour leur donner un
papier qu'ils demandaient, et comme ils m'ont dit que ce n'était
pas le bon, je leur ai tout déchiré pour leur jeter à
la gueule. J'aime pas qu'on me prenne pour un con.
De toute façon, pour avoir des remboursements et être payé,
il faut être étranger, maintenant. Chaque fois que je vois
un étranger, il est toujours servi et obtient ce qu'il demande,
tout ça parce qu'il vient pleurnicher et fait semblant de ne pas
comprendre le français.
-Moi: Il m'est très difficile de
vous laisser dire de telles choses. Vous pouvez bien sur remarquer et
critiquer la lourdeur et la lenteur administrative de la sécurité
sociale, mais il n'y a aucune close, ni officielle, ni dans la pratique,
favorisant une personne en fonction de ses origines. C'est justement parce
que c'est une administration particulièrement complexe qu'elle
traite les dossiers de façon impersonnelle et ne peut pas faire
de sélection raciale. La seule ségrégation que pourrait
pratiquer délibérément les agents serait celle vis
à vis des personnes désagréables, et je ne les blâmerais
pas pour cela...
-Mr. F: J'attends qu'une chose, c'est
d'avoir une opération coûteuse et de ne pas payer la note.
Et si la sécu me réclame quelque chose, je leur intente
un procès.
-Moi: C'est bien risqué de partir sur ce terrain
avec l'administration.
-Mr. F: ça ne me fait pas peur, j'ai des connaissances,
et croyez-moi qu'ils vont le regretter.
-Moi: ça serait bien plus simple
et entraînerait moins de soucis de fournir ce qu'ils demandent.
Vous gagneriez sur tous les plans à rester calme et courtois. Sans
oublier de réviser vos préjugés sur une préférence
raciale imaginaire.
-Mr. F: Qu'est-ce que vous y connaissez,
vous? Moi je les connais, ces immigrés qui touchent plusieurs RMI
pour les envoyer au pays, qui viennent mendier l'argent de MES cotisations,
qui vont agresser les français dans le bus, et....
-Moi: Avec un discours aussi sectaire,
je ne peux que vous laisser prendre la porte pour rentrer chez vous avec
vos certitudes, en espérant que vous ne serez jamais autant dans
le besoin que la population que vous jugez responsable de tous les maux
actuels...
---
Pour fêter mon dernier jour de travail,
il fallait bien que je tombe sur cet odieux personnage, issu tout droit
de la médiocrité dans la quelle plonge la haine ordinaire
mélangée à l'absence de réflexion.
Ce genre de confrontation permet de raviver une
évidence que j'ai tendance à oublier trop facilement: En
dehors de mon travail, je ne fréquente pas un échantillon
représentatif de la population, et ce n'est pas parce que
mes amis font preuve d'ouverture d'esprit que l'évolution de l'Homme
lui a permis d'utiliser judicieusement son cerveau pour améliorer
sa vie en société.
Une autre réflexion m'est venue, en repensant à sa femme
enceinte que j'avais trois jours avant. Je n'ai pu m'empêcher d'imaginer
le climat, les idées, les clichés, et le conditionnement
qui allaient faire office d'éducation à ce futur enfant.
Si j'étais aussi réactionnaire que lui, je me poserais la
question sur la possibilité d'instaurer un permis pour éduquer
les enfants.
28/08/2003
Conspirations Téléphoniques
-Allo, Docteur, le docteur
S. m'a mis en arrêt maladie, je suis parti voir ma famille dans
le midi, et comme je vais rester quelques jours de plus, il faut me faire
une prolongation et me l'envoyer...
----
-Allo Docteur, il faut
me renouveler mon ordonnance, et je passerais la prendre entre midi et
deux...
---
-Allo?...Ah, c'est pas
le docteur S.? Il me fallait un rendez-vous pour mon fils qui a mal à
la gorge, mais je voulais voir un médecin femme. Vous n'auriez
pas l'adresse d'une femme médecin pas trop loin d'ici?...
---
-Allo Docteur, ma fille est couverte de
boutons depuis cette nuit. Qu'est-ce qu'elle a?...
---
-Allo Docteur, il faut venir tout de suite,
j'ai des insomnies...
27/08/2003
L'autre Académie
Parmi tous les reproches que l'on peut adresser aux émissions de
télé réalité, la plus justifiée me
semble être celle qui dévoile l'hypocrisie de leur producteurs,
à savoir l'absence de jusqu'auboutisme du concept. En effet, que
ce soit sous l'apparence d'une bande de jeunes branchés transformés
en hamsters, sous la chaleur tropicale d'une île aux allures de
réserve à nymphomanes, à bord d'un yacht échangiste,
ou dans une académie qui apprend les caprices pour se fondre dans
un moule conforme aux exigences du show business, les téléspectateurs
avides n'attendent qu'une chose: l'imprévu, le dérapage,
le débordement. En un mot, du cul.
Et oui, mais (presque) tout est sous contrôle,
et il faut parvenir à diffuser une bonne dose d'érotisme
juvénile tout en conservant les attributs du prime time en couvrant
les images d'un faux voile de respectabilité.
Mais comme la surenchère
est une règle dans cet univers de racolage illustré par
audimat, il fallait bien concevoir une émission qui allait enfin
assumer sa vocation et sa nature, sans prendre en compte la bonne vieille
morale populaire. Maintenant, pour voir du real TV qui s'assume, il faut
regarder la Pornstar Académie.
Mais attention, ne vous
attendez pas à assister à un chaos libidineux, car comme
toute académie, elle est soumise à un certain nombre de
règles, qui ressemblent plus à des commandements par l'évocation
d'un vénérable parchemin divin.
|
1- It is strictly
forbidden to have sex without giving your partner an orgasm.
2- At the table, It’s ok to moan with your mouth full.
3- Your dildo will become your only friend and confidante.
4- Sensuality will reign where pleasure emerges.
5- The secret to a good orgy is teamwork.
6- The public, you shall arouse and by their ecstasy, they shall they
grade you.
7- It is strictly forbidden to have your head in the clouds during
class unless it’s cloud nine.
8- Your cock must to think before it cums.
9- Without underwear, you shall be and without socks you shall fuck.
10- Once you graduate, a porn star is born! |
Le règlement accepté,
encore faut-il pouvoir être admis. Il faut pour cela passer au crible
d'Andrew et Jay, les deux recruteurs exigeants, qui comme précise
le commentaire, "ont sacrément l'oeil pour évaluer
le matériel d'une potentielle porn star".
Devenir un élève implique beaucoup
de choses. Il y a la constitution d'un dossier scolaire très complet
dans lequel la profession des parents n'est pas spécifiée,
mais avantageusement remplacée par l'historique
des expériences et pratiques sexuelles, les fantasmes réalisés
et projetés, et quelques anecdotes qui font penser qu'ils ne sont
pas si amateurs qu'ils le prétendent.
Pour accroître leurs compétences, ils vont bien sûr
devoir suivre assidûment les cours assurés par Daisy Foxxx
et Katrina, les deux brillantes enseignantes qui n'ont plus grand chose
à apprendre, mais restent toutes dévouées à
l'enseignement de leurs matières respectives.
J'imagine sans peine qu'il
va y avoir un système d'élimination, avec un grand gagnant
qui décrochera un contrat cinématographique, une dernière
émission qui réunira tous les participants pour un émouvant
adieu final, mais je me demande encore s'ils vont pousser l'imitation
jusqu'à faire une tournée dans les galeries marchandes de
supermarchés...
Une chose est sûre:
on n'est pas prêt à les voir sur le plateau d'une respectable
émission familiale, car c'est bien connu qu'il est bien plus indécent
de montrer une érection qu'un post-adolescent looké qui
braille une reprise de comédie musicale.
Addenda: Par pur respect,
je ne citerais pas le nom de la personne qui m'a indiqué l'adresse
de ce site fort instructif, mais contrairement à ce qu'on pourrait
penser, ce n'est pas un homme...
26/08/2003
Chronique d'une
agonie
Comme il semble de bon ton de réagir sur les conséquences
de la canicule sur le taux de mortalité actuellement, je ne pouvais
résister à la tentation d'apporter ma contribution d'intervenant
de première ligne, que ce soit pour apporter ma pierre à
l'édifice, ou pour fragiliser celui des idées préconçues.
J'ai l'immense privilège de recevoir chaque année un courrier
informatif, enrobé par de belles tournures toutes administratives,
m'avertissant qu'avec beaucoup de regrets, l'hôpital allait devoir
réduire le nombre de ses lits pendant l'été. Bien
sur, ce n'est pas nouveau, chaque période estivale véhicule
son lot de ralentissements en tous genres, mais ce qui est nouveau, c'est
que depuis l'application des 35 heures (et donc des récupérations
d'heures supplémentaires), absolument tous les services hospitaliers
subissent cette désertification de personnel dans des proportions
alarmantes. La carence quantitative de personnel qualifié, le manque
de moyens financiers pour assurer la continuité des services de
santé, et l'autisme ministériel face à ce naufrage,
qui semblent être les grands axes étiologiques de cette hécatombe
prévisible, ne sont pas symptomatiques d'un gouvernement plus que
d'un autre, mais d'une réelle volonté de sabotage du système
entier qui persiste depuis plus de 20 ans, tous bords politiques confondus,
avec une dégradation constante des moyens, dictée par la
sacro-sainte loi de rentabilité.
Pour renflouer l'épave qui sombre, enrayer cette agonie, on aurait
pu souhaiter un incident pour induire une réaction, mais les catastrophes
ferroviaires et aériennes semblent plus propices à déclencher
des leçons à tirer et des réformes sécuritaires
pour rassurer la population bien portante. Mon scepticisme engagé
me pousse à penser que rien ne sera changé pour l'été
prochain, que les services de santé seront toujours unijambistes,
et que la plus mauvaise idée que vous puissiez avoir, serait de
choisir de tomber malade pendant le mois d'août.
25/08/2003
L'arrivée
d'Henry
Cela s'est passé il y a quelques années, pendant une période
très particulière auréolée par un halo d'incertitudes
et de transitions. Je me retrouvais dans une ville inconnue, un peu pour
vivre un nouveau départ, mais surtout pour m'extraire du trio affectif
et sexuel dont j'étais le seul élément masculin,
et qui s'était engagé dans une impasse relationnelle. La
fuite m'étais apparue comme la meilleure alternative, à
défaut d'être la plus audacieuse.
Les jours s'écoulaient, rythmés par la prise de nouvelles
responsabilités professionnelles inattendues, et une succession
d'aventures comme j'en avais pris l'habitude depuis quelques mois, entretenue
par le milieu féminin dans lequel j'évoluais.
C'est dans ma petite chambre mansardée qu'Henry Miller entra dans
ma vie, par l'entremise de Sexus. Ce fut d'abord le choc provoqué
par la force d'une écriture que je n'avais rencontré que
chez L.F.Céline jusqu'alors. Son style cru parvenait à percer
ma carapace de cynisme, et reflétait de nombreux éléments
de ce qui constituait alors mon environnement. L'exil, les rencontres,
les conquêtes, le désenchantement face à la nature
humaine, La libération des moeurs frôlant l'amoralité,
le courage de s'affranchir des contraintes, la soif littéraire
qui pousse à vouloir absorber l'univers entier en prenant soin
de recracher ses conventions, ne pouvaient que me lier à cet homme
à qui je dois le titre de ce blog.
Aujourd'hui encore, il m'arrive d'ouvrir à nouveau un de ses romans
et de retrouver l'impact de ses mots, reflets de sa rage, en seulement
quelques phrases, de me surprendre à penser qu'il aurait pu être
écrit hier, pour réaliser à quel point cet écorché
vif était avant-gardiste, indéniable racine et incontournable
inspirateur de la littérature contemporaine.
24/08/2003
Flambysation
La raison du coeur nous ramène à peu de chose, finalement.
Quelquefois, je me demande si l'Homme n'est pas fait pour
vivre dans le caramel...
21/08/2003
La grande classe
libérale
Je n'ai de libéral que le statut social. Déjà à
la base, j'ai une fâcheuse tendance au rejet face à la confrérie
professionnelle à laquelle j'appartiens presque malgré moi,
mais tout semble conspirer pour que je me sente également exclu
de la "liberal way of life". Et ce ne sont pas les différentes
brochures envoyées par les associations de gestion des professions
libérales qui vont parvenir à me convertir en présentant
leurs formations très spéciales. La première raison,
c'est que d'après les illustrations censées stimulées
les inscriptions, la cravate semble obligatoire pour les hommes, au même
titre que le tailleur pour les femmes. La deuxième raison, c'est
que de s'imaginer autour d'une table avec ce genre de personnages incite
à courir à l'ANPE en jean/basket pour réclamer un
reclassement professionnel.
Mais toutes les victimes des réunionites
aiguës, qu'elles subissent un supplice hebdomadaire ou mensuel, vont
crier à la conspiration et à la manipulation, tant l'atteinte
d'un tel degré de perfection et d'homogénéité
avec ses congénères est plus proche de l'onirisme que de
la réalité.
C'est là que tout le monde se trompe, car dans le monde merveilleux
de l'optimisation libérale, ce genre de chose s'apprend grâce
à une formation qui porte bien son nom.
C'est ainsi qu'on peut
reconquérir sa fierté de profession libérale, se
reconnaître au sein de cette grande fraternité, pouvoir enfin
ajuster son noeud de cravate d'un geste assuré, manier la feuille
d'"ordre du jour" avec dextérité, et avec un peu
de chance, arriver à placer sa blague préférée
sur le chômeur et le RMIste pour détendre l'atmosphère
en fin de séance.
Qu'il est bon de sentir la châleur de ses semblables.
19/08/2003
Black out
Pour reprendre la brillante idée de Michael Moore selon laquelle
une civilisation bâtie sur la peur ne peut qu'engendrer un peuple
de paranoïaque, la panne d'électricité qui a frappé
les états-unis ressemble fort à un pied de nez. Non seulement
il a fallut cet incident pour se rendre compte que le fer de lance de
la politique sécuritaire possédait des équipements
dernier cri, alimentés par un réseau de distribution digne
du tiers monde, mais que sa maintenance leur échappait complètement.
Alors même que le pays est alimenté à nouveau, -ce
qui ressemble fort à ce que j'appellerais une réparation-
personne ne semble vouloir déclarer avec précision la cause
de l'incident. Peut-être par peur de dévoiler un de leur
talon d'Achile aux grands méchants de l'axe du mal. A moins que
ce ne soit par crainte d'être définitivement tués
par le ridicule.
Dommage, pour une fois, ils avaient l'occasion de nous faire rire.
18/08/2003
Renaître
de ses cendres
On pourrait parler à tort de nouveau né, mais il est préférable
d'y voir une adoption, ou encore une renaissance, pour le nouveau site
des mers veillées,
tant son auteur est loin d'être une débutante. Son envol
fait entrevoir plus de sobriété et de poésie que
le précédent, et il y a un quelque chose d'étrangement
familier qui fait se sentir chez soi.
Que la traversée de la sirène émerveillée
soit bonne.
18/08/2003
De la charcuterie
sur les ondes
On ne remerciera jamais assez Boris Vian, sans qui les succès musicaux
ne s'appelleraient non pas des "tubes", mais des "saucissons".
J'ignore si c'est l'inélégance de la métaphore, un
régime alimentaire végétarien, ou une inspiration
mécanique qui l'a poussé à remplacer une telle expression
par une autre, mais il était indéniablement plus inspiré
-poétiquement parlant- que la personne qui a si délicatement
remplacé "aimer" par "kifer", et "très
bien" par "d'la bombe".
Cependant, quand mes doigts maladroits
se permettent de régler involontairement mon autoradio sur une
station FM prépubère que je ne nommerais pas, je me demande
dans quelle mesure la conservation de l'expression initiale n'aurait pas
été plus appropriée.
Oui, Le dernier saucisson de Craig David, ça
sonne bien.
(Remarquez, Le tout nouveau jambon de Shakira,
c'est pas mal non plus)
16/08/2003
Voyages intérieurs
Mes journées sont à ce point dépourvues
d'intérêt que je n'ai rien trouvé de mieux que de
projeter mon esprit à une distance que je pourrais presque déterminer
avec précision, et à m'employer à la résurrection
de vieux souvenirs que je ne manquerais pas de retranscrire s'ils présentent
un quelconque intérêt.
J'espère seulement que la légende se trompe, et que de voir
défiler sa vie n'est pas un signe de mort imminante.
15/08/2003
Le don de son corps
C'est durant la troisième année de mes études que
je découvris l'existence et les activités du centre, alors
même que, comme tout étudiant sans revenu, je cherchais un
moyen de gagner de l'argent sans trop de peine.
J'ai commencé par de petits contrats innocents, inoffensifs, et
aux revenus modérés, avec la ferme intention de me faire
connaître et de devenir un habitué pour des protocoles plus
lucratifs. Et cela arriva.
L'absorption d'une moitié de lexomil ou d'un alpha-bloquant contre
l'hypertrophie de la prostate n'étaient que des mises en bouche
comparées à l'étude d'un neuroleptique inconnu, nécessitant
une hospitalisation de 36 heures pour réaliser de nombreux tests,
ainsi qu'une surveillance rapprochée du cobaye humain que j'étais
devenu. Mais le salaire était de taille, et constituait pour moi
une proposition que je ne pouvais pas refuser. Il y avait aussi une grande
part de hasard, comme dans toute étude en double aveugle, avec
la possibilité d'absorber aussi bien un placebo qu'une substance
active.
En dehors de prélèvements sanguins réguliers, nous
étions soumis à plusieurs observations médicales.
La première était une mesure des clignements de paupières,
calculés par un intime tête à tête avec une
caméra digne d'un interrogatoire policier. Fixer un objectif pendant
30 minutes n'est pas une chose agréable, mais devient une véritable
épreuve quand les murs de la pièce se mettent à se
déplacer, que la chaise sur laquelle on est assis penche invariablement
vers la droite, et que le support de la caméra effectue des rotations.
C'est au moment ou l'objectif de la caméra commença à
se transformer en boite de conserve que je compris que je n'avais pas
avalé un placebo quelques heures auparavant. Les choses s'aggravèrent
après l'ouverture de ce festival d'hallucinations, avec des déplacements
particulièrement difficile dans un couloir dont le sol était
recouvert d'éponges, et le plafond qui effectuait des rotations
dans les sens des aiguilles d'une montre.
Un autre test visait à évaluer la vision crépusculaire,
et nous plaçait dans une pièce redoutablement obscure devant
un écran dont la luminosité augmentait progressivement pour
faire apparaître des bandes grisâtres, et dont la perception
devait nous faire appuyer sur un bouton.
Des bandes grises, je n'en ai pas beaucoup vu. Par contre, j'ai bien vu,
malgré ma chaise infernale qui penchait toujours à droite,
ce fichu écran qui coulait en permanence de son coin inférieur
gauche, en plus de son mouvement de tangage.
Ces objets de mesure étaient devenus franchement hostiles, et je
profitais des quelques minutes de répits entre chaque séance
de caméra-conserve et d'écran dégoulinant pour faire
le tri entre la réalité et les fantaisies de mes perceptions.
J'avais abandonné le projet de rejoindre le salon de repos qui
diffusait des programmes télévisés qui échappaient
à ma compréhension, et préférais le calme
relatif de ma chambre. C'était sans compter la frénésie
qui s'était emparée de cette pièce. Les dalles du
plafond me tombaient dessus, et la fenêtre qui offrait un échappatoire
à cette agression laissait entrevoir de majestueuses volutes bleues
dans le ciel, transitoirement masquées par des toiles de parasol
à carreau. Lorsque je fermais les yeux, le matelas amplifiait le
roulis de ses vagues, me labourant le dos au passage, et aggravant ma
nausée. Mes vomissements abondants dans la cuvette des toilettes
n'étaient pas améliorés par la nourriture peu appétissante
en barquette, mais semblaient diminuer les mouvements aléatoires
de mon estomac.
Dans tout cet amalgame sensoriel , il n'y avait même pas d'euphorie.
Juste une conscience lucide que toutes mes perceptions, y compris celles
de la position de mon corps dans l'espace, étaient tout simplement
court-circuitées. Des infos toutes neuves et toutes fausses, de
froides hallucinations pour un voyage chez les psychotiques.
L'effet dura quelques heures en tout,
ce qui n'était pas si mal pour une première expérience
au pays du shunt cérébral. Je retrouvais progressivement
l'usage de mes organes sensoriels, et en profitait pour récupérer
mon chèque exorbitant, avec la vague impression d'avoir été
grassement payé pour avoir eu un trip.
Quelques mois plus tard, je recroisais
le médecin du centre pharmacologique clinique d'essai thérapeutique
qui m'apprenait que le neuroleptique ne serait pas commercialisé.
Peut-être parce qu'il augmentait le nombre de clignements de paupières...?
14/08/2003
12/08/2003
Session de rattrapage
Je devais bien renouer avec le monde de la communication et de la sociabilité,
et cela passait forcément par la mise en route de mon téléphone
portable jusqu'alors éteint, et sortir un peu la tête de
la sphère intimiste et recluse dans laquelle je me trouvais depuis
quelques jours. C'est pendant l'écoute de la collection d'hommages
qui encombraient ma messagerie, sous forme d'attentions touchantes, de
chansons, ou de reproches face à mon silence, que Lyly m'invita
à venir voir sur le champ ce qui se tramait sur quelques blogs
étroitement liés à mes visites quotidiennes.
Le contenu des posts de Kylie
et Pix me laissait sans
voix. D'abord parce que touché par une attention que je n'attendais
pas, puis par l'estime que je porte aux deux personnes qui ont écrit
ces mots, et enfin un peu par sentiment d'injustice, n'ayant jamais fait
allusion à une rencontre qui m'a enchanté, par manque de
mot, de courage, et peut-être un peu par excès de pudeur.
Je me retrouve maintenant au pied du mur et incapable de m'en tirer avec
des pirouettes de style pour parler de ces deux personnes.
J'ai déjà lancé
quelques mots sur Pix, mais ils manquaient sans doute de précision,
si ce n'est d'exactitude. Dire qu'il est agréable n'est pas suffisant.
Il fait parti de ces personnes dont on recherche la compagnie car il y
a une grande âme derrière. Cela va de la serviabilité
à la franchise, en passant par un sens de l'humour et de l'autodérision
hors du commun, sans oublier une culture musicale passionnelle que l'on
souhaite contagieuse. La simplicité dont je parlais n'avait rien
de péjoratif, mais excluait seulement toute superficialité
et tout comportement calculateur. Sa sensibilité et sa courtoisie
font de lui un gentleman avant tout.
Il y a quelque chose d'approchant la
personnalité de Kylie dans son blog, mais qui est en dessous des
impressions éprouvées en la rencontrant. Joviale et enjouée,
elle possède cette légèreté et ce naturel
qui caractérisent ses posts, sans pour autant sacrifier la pertinence
des observations et des remarques. A l'image de ses écrits, son
apparente ingénuité n'est là que pour mieux servir
son sens de l'humour et de l'à-propos. Dotée d'un charme
naturel déroutant, son célibat ne s'impose que plus comme
une énigme.
Mon blog n'a jamais été
un outil de rencontre, mais s'est trouvé remplir cette fonction
par un jeu de hasards et de coïncidences, à la fois temporelles
et géographiques. La richesse et la joie procurées par ces
instants ne peuvent être que des incitations à vivre de nouveaux
instants de découverte, et surtout d'approfondir les plus agréables
comme ceux-ci.
10/08/2003
La visiteuse du
Samedi
Les week-end se suivent et ne se ressemblent pas. Cependant, ils ont tout
de même un point commun, celui d'être indubitablement romanesques
et romantiques. On lirait des histoires comme celle-là, qu'on n'y
croirait pas. Une sorte de photo de David Hamilton, en un peu plus torride
et moins juvénile.
Il ne manquait plus que la musique, et Pix s'en est chargé...
08/08/2003
J'emmerde les dress code
Mme T., 54 ans
-Mme T: Tiens, vous recevez en sandales, aujourd'hui...?
-Moi: Vous aussi vous en portez!
-Mme T.: oui, mais moi je ne suis pas médecin
-Moi: ça n'empêche pas d'avoir chaud
-Mme T.: En tout cas, c'est bien la première fois
que je vois ça.
-Moi: Et si je mettais une cravate, ça vous choquerait
moins...?
06/08/2003
Le guide des réponses
Il y a toujours ce petit moment d'exaltation quand j'ouvre ma boite aux
lettres, comme si je m'attendais à recevoir un paquet que je n'aurais
jamais commandé, ou une jolie lettre émouvante. C'est un
peu cet étonnement et cette curiosité qui sont survenus
aujourd'hui en recevant cette grande enveloppe manuscrite. Mon enthousiasme
est rapidement tombé quand je me suis aperçu qu'elle était
adressée à "Monsieur et Madame ded". Déjà
une certitude: l'expéditeur ne me connaissait pas.
A l'intérieur se trouvait une revue intitulée "reveillez-vous".
Je commençais à bouillir d'impatience à l'idée
des articles révolutionnaires qui allaient enfin m'annoncer comment
éradiquer l'anesthésie intellectuelle qui semble toucher
une bonne partie de l'humanité, et la mienne par la même
occasion. C'est à ce moment que je suis tombé sur la lettre
manuscrite qui accompagnait la revue, écrite par ma bienfaitrice,
madame G, qui m'expliquait toute la pertinence des articles, et l'absolue
nécessité d'en absorber les contenus jusqu'à la dernière
goutte.
Le thème phare de la revue était
la détérioration des conditions météorologiques,
et l'ensemble des dégradations de l'environnement. Le premier article,
un peu vulgarisant, était écrit par un monsieur hyper spécialisé
en sinistres, et tentait de démontrer par des arguments fragiles
que les catastrophes naturelles seront de plus en plus fréquentes.
Le second article, signé par aucun spécialiste (ni aucun
autre auteur, d'ailleurs), m'apprend des tas de choses que j'ignorais
jusqu'ici:
-Les Hommes sont entièrement responsables des catastrophes naturelles
-Bientôt, il y aura un nouveau monde créé par dieu
dans lequel il n'y aura plus aucune intempérie.
-Ce nouveau monde, qui remplacera la domination humaine corrompue, sera
dirigé par un nouveau gouvernement qui administrera la terre.
-Ce nouveau monde, donc cette nouvelle administration, ne sera accessible
qu'aux fidèles de dieu.
"Zut alors, je vais encore me retrouver
esclave..." pensais-je, le regard distrait en tournant les pages.
Je décidais donc d'exorciser ces mauvaises nouvelles en tentant
de remplir quelques grilles de mots croisés proposés, mais
nouvelle déception, je me rendis compte que ma culture était
suffisamment inexistante pour ne même pas comprendre les définitions.
je crois surtout que les références bibliographiques se
rapportaient à des lectures que je n'avais pas.
Après la rubrique culture et divertissement,
il devait forcément y avoir un brin de philosophie pour en faire
une revue digne de ce nom. Le titre de l'article était "La
haine ethnique est-elle justifiée?". Ah, ben ça tombe
bien, parce que je me suis toujours posé la question, et je n'ai
jamais réussit à trouver de réponse. Grâce
à cet article plein de finesse et de bon sens, j'ai pu comprendre
que la réponse était...dans la bible. Comme les réponses
aux mots croisés, et l'annonce de la nouvelle administration divine,
d'ailleurs.
Si pour comprendre une revue de 30 pages,
il faut lire une notice qui en fait 1500, je ne peux que remercier madame
G de m'avoir éveillé, de m'avoir montré à
quel point j'étais endormi et ignorant face à ses propres
certitudes.
05/08/2003
Compte d'apothicaire
-V. le Pharmacien: Nous avons reçu toute une liste de médicaments
qui vont être retirés de la vente.
-Moi: Je suis au courant. Bientôt
vous allez devoir cultiver vos propres plantes pour fabriquer vos propres
médicaments. Vous allez redevenir apothicaire dans quelques années.
Et moi phytothérapeute.
-V. le Pharmacien: ...mmmh, en fait c'est déjà
fait. Je cultive déjà pour mon compte.
-Moi: Ah oui? vous avez vos plants d'aubépine et
de passiflore...?
-V. le Pharmacien: ...Euh, pas vraiment. Une plante un
peu plus anxiolytiques...
-Moi: Ben ça tombe bien. Vous pourrez
la vendre dès qu'ils auront retiré les benzodiazépines
du marché.
-V. le Pharmacien: Oui, si de votre côté
vous apprenez aux retraités à rouler...
04/08/2003
Si ton corps se balance, verras-tu plus loin?
Alors que personne ne sait vraiment ce qui a bien pu se
passer dans cette chambre à Vilnius, la tentation d'exploiter la
situation et le prétexte du devoir étaient trop forts pour
ne pas alimenter la polémique et le débat, quitte à
dériver dangereusement vers le bavardage malveillant. Ni le milieu
du cinéma, ni celui de la musique, pourtant tous deux ordinairement
très prolixes, n'étaient en état de nourrir le brasier
que tentaient d'attiser certains vampires de l'information. Qui d'autre
que SOS femmes battues pouvait-on inviter, alors même que l'association
ne possédait pas encore de figure emblématique sur laquelle
jeter des pierres? Maintenant le coupable porte un visage qui sera brandi
devant toute nouvelle tragédie, un homme connu qui va payer pour
tous les inconnus, par le simple biais de cet amalgame conspiré
simplistement manichéen.
Pendez-le haut et court, pour bien vider l'abcès de haine dont
souffrent les victimes, car en toute chose il faut un coupable.
01/08/2003
01/08/2003
Ecriture soyeuse
Une histoire
simple avec des mots simples. Celle d'un jeune homme qui découvre
le japon pour en exporter des vers à soie, en plein coeur
du 19° siècle. La brieveté du roman entoure les
personnages d'un voile mystérieux, et plonge dans le mythe
de l'amour impossible, de la passion multiple, de l'exotisme, du
voyage, du regret, et de la contemplation de son destin.
Toutes ces choses qui resteront
mystérieuses dans nos vies et pour lesquelles nous n'aurons
jamais de réponse... |
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