Aout 2003

 

31/08/2003

Finir sur la haine ordinaire

-Mr. F: Non, ce n'est pas la peine de faire une feuille de soins, je ne me ferais pas rembourser ma consultation...

-Moi: Ah bon! vous n'êtes pas affilié à la sécu?

-Mr. F: Cela fait plusieurs semaines que j'essaie d'avoir une carte vitale, mais à chaque fois ils me disent qu'il manque un document à mon dossier.

-Moi: Mais vous avez tout de même un numéro de cotisant?

-Mr. F: Oui, mais ça ne leur suffit pas. La dernière fois, je suis allé pour leur donner un papier qu'ils demandaient, et comme ils m'ont dit que ce n'était pas le bon, je leur ai tout déchiré pour leur jeter à la gueule. J'aime pas qu'on me prenne pour un con.
De toute façon, pour avoir des remboursements et être payé, il faut être étranger, maintenant. Chaque fois que je vois un étranger, il est toujours servi et obtient ce qu'il demande, tout ça parce qu'il vient pleurnicher et fait semblant de ne pas comprendre le français.

-Moi: Il m'est très difficile de vous laisser dire de telles choses. Vous pouvez bien sur remarquer et critiquer la lourdeur et la lenteur administrative de la sécurité sociale, mais il n'y a aucune close, ni officielle, ni dans la pratique, favorisant une personne en fonction de ses origines. C'est justement parce que c'est une administration particulièrement complexe qu'elle traite les dossiers de façon impersonnelle et ne peut pas faire de sélection raciale. La seule ségrégation que pourrait pratiquer délibérément les agents serait celle vis à vis des personnes désagréables, et je ne les blâmerais pas pour cela...

-Mr. F: J'attends qu'une chose, c'est d'avoir une opération coûteuse et de ne pas payer la note. Et si la sécu me réclame quelque chose, je leur intente un procès.

-Moi: C'est bien risqué de partir sur ce terrain avec l'administration.

-Mr. F: ça ne me fait pas peur, j'ai des connaissances, et croyez-moi qu'ils vont le regretter.

-Moi: ça serait bien plus simple et entraînerait moins de soucis de fournir ce qu'ils demandent. Vous gagneriez sur tous les plans à rester calme et courtois. Sans oublier de réviser vos préjugés sur une préférence raciale imaginaire.

-Mr. F: Qu'est-ce que vous y connaissez, vous? Moi je les connais, ces immigrés qui touchent plusieurs RMI pour les envoyer au pays, qui viennent mendier l'argent de MES cotisations, qui vont agresser les français dans le bus, et....

-Moi: Avec un discours aussi sectaire, je ne peux que vous laisser prendre la porte pour rentrer chez vous avec vos certitudes, en espérant que vous ne serez jamais autant dans le besoin que la population que vous jugez responsable de tous les maux actuels...

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Pour fêter mon dernier jour de travail, il fallait bien que je tombe sur cet odieux personnage, issu tout droit de la médiocrité dans la quelle plonge la haine ordinaire mélangée à l'absence de réflexion.
Ce genre de confrontation permet de raviver une évidence que j'ai tendance à oublier trop facilement: En dehors de mon travail, je ne fréquente pas un échantillon représentatif de la population, et ce n'est pas parce que mes amis font preuve d'ouverture d'esprit que l'évolution de l'Homme lui a permis d'utiliser judicieusement son cerveau pour améliorer sa vie en société.
Une autre réflexion m'est venue, en repensant à sa femme enceinte que j'avais trois jours avant. Je n'ai pu m'empêcher d'imaginer le climat, les idées, les clichés, et le conditionnement qui allaient faire office d'éducation à ce futur enfant.
Si j'étais aussi réactionnaire que lui, je me poserais la question sur la possibilité d'instaurer un permis pour éduquer les enfants.


28/08/2003

Conspirations Téléphoniques

-Allo, Docteur, le docteur S. m'a mis en arrêt maladie, je suis parti voir ma famille dans le midi, et comme je vais rester quelques jours de plus, il faut me faire une prolongation et me l'envoyer...

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-Allo Docteur, il faut me renouveler mon ordonnance, et je passerais la prendre entre midi et deux...

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-Allo?...Ah, c'est pas le docteur S.? Il me fallait un rendez-vous pour mon fils qui a mal à la gorge, mais je voulais voir un médecin femme. Vous n'auriez pas l'adresse d'une femme médecin pas trop loin d'ici?...

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-Allo Docteur, ma fille est couverte de boutons depuis cette nuit. Qu'est-ce qu'elle a?...

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-Allo Docteur, il faut venir tout de suite, j'ai des insomnies...


27/08/2003

L'autre Académie
Parmi tous les reproches que l'on peut adresser aux émissions de télé réalité, la plus justifiée me semble être celle qui dévoile l'hypocrisie de leur producteurs, à savoir l'absence de jusqu'auboutisme du concept. En effet, que ce soit sous l'apparence d'une bande de jeunes branchés transformés en hamsters, sous la chaleur tropicale d'une île aux allures de réserve à nymphomanes, à bord d'un yacht échangiste, ou dans une académie qui apprend les caprices pour se fondre dans un moule conforme aux exigences du show business, les téléspectateurs avides n'attendent qu'une chose: l'imprévu, le dérapage, le débordement. En un mot, du cul.
Et oui, mais (presque) tout est sous contrôle, et il faut parvenir à diffuser une bonne dose d'érotisme juvénile tout en conservant les attributs du prime time en couvrant les images d'un faux voile de respectabilité.

Mais comme la surenchère est une règle dans cet univers de racolage illustré par audimat, il fallait bien concevoir une émission qui allait enfin assumer sa vocation et sa nature, sans prendre en compte la bonne vieille morale populaire. Maintenant, pour voir du real TV qui s'assume, il faut regarder la Pornstar Académie.

Mais attention, ne vous attendez pas à assister à un chaos libidineux, car comme toute académie, elle est soumise à un certain nombre de règles, qui ressemblent plus à des commandements par l'évocation d'un vénérable parchemin divin.

1- It is strictly forbidden to have sex without giving your partner an orgasm.
2- At the table, It’s ok to moan with your mouth full.
3- Your dildo will become your only friend and confidante.
4- Sensuality will reign where pleasure emerges.
5- The secret to a good orgy is teamwork.
6- The public, you shall arouse and by their ecstasy, they shall they grade you.
7- It is strictly forbidden to have your head in the clouds during class unless it’s cloud nine.
8- Your cock must to think before it cums.
9- Without underwear, you shall be and without socks you shall fuck.
10- Once you graduate, a porn star is born!

Le règlement accepté, encore faut-il pouvoir être admis. Il faut pour cela passer au crible d'Andrew et Jay, les deux recruteurs exigeants, qui comme précise le commentaire, "ont sacrément l'oeil pour évaluer le matériel d'une potentielle porn star".
Devenir un élève implique beaucoup de choses. Il y a la constitution d'un dossier scolaire très complet dans lequel la profession des parents n'est pas spécifiée, mais avantageusement remplacée par l'historique des expériences et pratiques sexuelles, les fantasmes réalisés et projetés, et quelques anecdotes qui font penser qu'ils ne sont pas si amateurs qu'ils le prétendent.
Pour accroître leurs compétences, ils vont bien sûr devoir suivre assidûment les cours assurés par Daisy Foxxx et Katrina, les deux brillantes enseignantes qui n'ont plus grand chose à apprendre, mais restent toutes dévouées à l'enseignement de leurs matières respectives.

J'imagine sans peine qu'il va y avoir un système d'élimination, avec un grand gagnant qui décrochera un contrat cinématographique, une dernière émission qui réunira tous les participants pour un émouvant adieu final, mais je me demande encore s'ils vont pousser l'imitation jusqu'à faire une tournée dans les galeries marchandes de supermarchés...

Une chose est sûre: on n'est pas prêt à les voir sur le plateau d'une respectable émission familiale, car c'est bien connu qu'il est bien plus indécent de montrer une érection qu'un post-adolescent looké qui braille une reprise de comédie musicale.

 

Addenda: Par pur respect, je ne citerais pas le nom de la personne qui m'a indiqué l'adresse de ce site fort instructif, mais contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas un homme...


26/08/2003

Chronique d'une agonie
Comme il semble de bon ton de réagir sur les conséquences de la canicule sur le taux de mortalité actuellement, je ne pouvais résister à la tentation d'apporter ma contribution d'intervenant de première ligne, que ce soit pour apporter ma pierre à l'édifice, ou pour fragiliser celui des idées préconçues.
J'ai l'immense privilège de recevoir chaque année un courrier informatif, enrobé par de belles tournures toutes administratives, m'avertissant qu'avec beaucoup de regrets, l'hôpital allait devoir réduire le nombre de ses lits pendant l'été. Bien sur, ce n'est pas nouveau, chaque période estivale véhicule son lot de ralentissements en tous genres, mais ce qui est nouveau, c'est que depuis l'application des 35 heures (et donc des récupérations d'heures supplémentaires), absolument tous les services hospitaliers subissent cette désertification de personnel dans des proportions alarmantes. La carence quantitative de personnel qualifié, le manque de moyens financiers pour assurer la continuité des services de santé, et l'autisme ministériel face à ce naufrage, qui semblent être les grands axes étiologiques de cette hécatombe prévisible, ne sont pas symptomatiques d'un gouvernement plus que d'un autre, mais d'une réelle volonté de sabotage du système entier qui persiste depuis plus de 20 ans, tous bords politiques confondus, avec une dégradation constante des moyens, dictée par la sacro-sainte loi de rentabilité.
Pour renflouer l'épave qui sombre, enrayer cette agonie, on aurait pu souhaiter un incident pour induire une réaction, mais les catastrophes ferroviaires et aériennes semblent plus propices à déclencher des leçons à tirer et des réformes sécuritaires pour rassurer la population bien portante. Mon scepticisme engagé me pousse à penser que rien ne sera changé pour l'été prochain, que les services de santé seront toujours unijambistes, et que la plus mauvaise idée que vous puissiez avoir, serait de choisir de tomber malade pendant le mois d'août.


25/08/2003

L'arrivée d'Henry
Cela s'est passé il y a quelques années, pendant une période très particulière auréolée par un halo d'incertitudes et de transitions. Je me retrouvais dans une ville inconnue, un peu pour vivre un nouveau départ, mais surtout pour m'extraire du trio affectif et sexuel dont j'étais le seul élément masculin, et qui s'était engagé dans une impasse relationnelle. La fuite m'étais apparue comme la meilleure alternative, à défaut d'être la plus audacieuse.
Les jours s'écoulaient, rythmés par la prise de nouvelles responsabilités professionnelles inattendues, et une succession d'aventures comme j'en avais pris l'habitude depuis quelques mois, entretenue par le milieu féminin dans lequel j'évoluais.
C'est dans ma petite chambre mansardée qu'Henry Miller entra dans ma vie, par l'entremise de Sexus. Ce fut d'abord le choc provoqué par la force d'une écriture que je n'avais rencontré que chez L.F.Céline jusqu'alors. Son style cru parvenait à percer ma carapace de cynisme, et reflétait de nombreux éléments de ce qui constituait alors mon environnement. L'exil, les rencontres, les conquêtes, le désenchantement face à la nature humaine, La libération des moeurs frôlant l'amoralité, le courage de s'affranchir des contraintes, la soif littéraire qui pousse à vouloir absorber l'univers entier en prenant soin de recracher ses conventions, ne pouvaient que me lier à cet homme à qui je dois le titre de ce blog.
Aujourd'hui encore, il m'arrive d'ouvrir à nouveau un de ses romans et de retrouver l'impact de ses mots, reflets de sa rage, en seulement quelques phrases, de me surprendre à penser qu'il aurait pu être écrit hier, pour réaliser à quel point cet écorché vif était avant-gardiste, indéniable racine et incontournable inspirateur de la littérature contemporaine.


24/08/2003

Flambysation
La raison du coeur nous ramène à peu de chose, finalement.

Quelquefois, je me demande si l'Homme n'est pas fait pour vivre dans le caramel...


21/08/2003

La grande classe libérale
Je n'ai de libéral que le statut social. Déjà à la base, j'ai une fâcheuse tendance au rejet face à la confrérie professionnelle à laquelle j'appartiens presque malgré moi, mais tout semble conspirer pour que je me sente également exclu de la "liberal way of life". Et ce ne sont pas les différentes brochures envoyées par les associations de gestion des professions libérales qui vont parvenir à me convertir en présentant leurs formations très spéciales. La première raison, c'est que d'après les illustrations censées stimulées les inscriptions, la cravate semble obligatoire pour les hommes, au même titre que le tailleur pour les femmes. La deuxième raison, c'est que de s'imaginer autour d'une table avec ce genre de personnages incite à courir à l'ANPE en jean/basket pour réclamer un reclassement professionnel.

Mais toutes les victimes des réunionites aiguës, qu'elles subissent un supplice hebdomadaire ou mensuel, vont crier à la conspiration et à la manipulation, tant l'atteinte d'un tel degré de perfection et d'homogénéité avec ses congénères est plus proche de l'onirisme que de la réalité.
C'est là que tout le monde se trompe, car dans le monde merveilleux de l'optimisation libérale, ce genre de chose s'apprend grâce à une formation qui porte bien son nom.

C'est ainsi qu'on peut reconquérir sa fierté de profession libérale, se reconnaître au sein de cette grande fraternité, pouvoir enfin ajuster son noeud de cravate d'un geste assuré, manier la feuille d'"ordre du jour" avec dextérité, et avec un peu de chance, arriver à placer sa blague préférée sur le chômeur et le RMIste pour détendre l'atmosphère en fin de séance.
Qu'il est bon de sentir la châleur de ses semblables.


19/08/2003

Black out
Pour reprendre la brillante idée de Michael Moore selon laquelle une civilisation bâtie sur la peur ne peut qu'engendrer un peuple de paranoïaque, la panne d'électricité qui a frappé les états-unis ressemble fort à un pied de nez. Non seulement il a fallut cet incident pour se rendre compte que le fer de lance de la politique sécuritaire possédait des équipements dernier cri, alimentés par un réseau de distribution digne du tiers monde, mais que sa maintenance leur échappait complètement. Alors même que le pays est alimenté à nouveau, -ce qui ressemble fort à ce que j'appellerais une réparation- personne ne semble vouloir déclarer avec précision la cause de l'incident. Peut-être par peur de dévoiler un de leur talon d'Achile aux grands méchants de l'axe du mal. A moins que ce ne soit par crainte d'être définitivement tués par le ridicule.
Dommage, pour une fois, ils avaient l'occasion de nous faire rire.


18/08/2003

Renaître de ses cendres
On pourrait parler à tort de nouveau né, mais il est préférable d'y voir une adoption, ou encore une renaissance, pour le nouveau site des mers veillées, tant son auteur est loin d'être une débutante. Son envol fait entrevoir plus de sobriété et de poésie que le précédent, et il y a un quelque chose d'étrangement familier qui fait se sentir chez soi.
Que la traversée de la sirène émerveillée soit bonne.


18/08/2003

De la charcuterie sur les ondes
On ne remerciera jamais assez Boris Vian, sans qui les succès musicaux ne s'appelleraient non pas des "tubes", mais des "saucissons". J'ignore si c'est l'inélégance de la métaphore, un régime alimentaire végétarien, ou une inspiration mécanique qui l'a poussé à remplacer une telle expression par une autre, mais il était indéniablement plus inspiré -poétiquement parlant- que la personne qui a si délicatement remplacé "aimer" par "kifer", et "très bien" par "d'la bombe".

Cependant, quand mes doigts maladroits se permettent de régler involontairement mon autoradio sur une station FM prépubère que je ne nommerais pas, je me demande dans quelle mesure la conservation de l'expression initiale n'aurait pas été plus appropriée.

Oui, Le dernier saucisson de Craig David, ça sonne bien.

 

(Remarquez, Le tout nouveau jambon de Shakira, c'est pas mal non plus)


16/08/2003

Voyages intérieurs
Mes journées sont à ce point dépourvues d'intérêt que je n'ai rien trouvé de mieux que de projeter mon esprit à une distance que je pourrais presque déterminer avec précision, et à m'employer à la résurrection de vieux souvenirs que je ne manquerais pas de retranscrire s'ils présentent un quelconque intérêt.
J'espère seulement que la légende se trompe, et que de voir défiler sa vie n'est pas un signe de mort imminante.


15/08/2003

Le don de son corps
C'est durant la troisième année de mes études que je découvris l'existence et les activités du centre, alors même que, comme tout étudiant sans revenu, je cherchais un moyen de gagner de l'argent sans trop de peine.
J'ai commencé par de petits contrats innocents, inoffensifs, et aux revenus modérés, avec la ferme intention de me faire connaître et de devenir un habitué pour des protocoles plus lucratifs. Et cela arriva.
L'absorption d'une moitié de lexomil ou d'un alpha-bloquant contre l'hypertrophie de la prostate n'étaient que des mises en bouche comparées à l'étude d'un neuroleptique inconnu, nécessitant une hospitalisation de 36 heures pour réaliser de nombreux tests, ainsi qu'une surveillance rapprochée du cobaye humain que j'étais devenu. Mais le salaire était de taille, et constituait pour moi une proposition que je ne pouvais pas refuser. Il y avait aussi une grande part de hasard, comme dans toute étude en double aveugle, avec la possibilité d'absorber aussi bien un placebo qu'une substance active.
En dehors de prélèvements sanguins réguliers, nous étions soumis à plusieurs observations médicales. La première était une mesure des clignements de paupières, calculés par un intime tête à tête avec une caméra digne d'un interrogatoire policier. Fixer un objectif pendant 30 minutes n'est pas une chose agréable, mais devient une véritable épreuve quand les murs de la pièce se mettent à se déplacer, que la chaise sur laquelle on est assis penche invariablement vers la droite, et que le support de la caméra effectue des rotations. C'est au moment ou l'objectif de la caméra commença à se transformer en boite de conserve que je compris que je n'avais pas avalé un placebo quelques heures auparavant. Les choses s'aggravèrent après l'ouverture de ce festival d'hallucinations, avec des déplacements particulièrement difficile dans un couloir dont le sol était recouvert d'éponges, et le plafond qui effectuait des rotations dans les sens des aiguilles d'une montre.
Un autre test visait à évaluer la vision crépusculaire, et nous plaçait dans une pièce redoutablement obscure devant un écran dont la luminosité augmentait progressivement pour faire apparaître des bandes grisâtres, et dont la perception devait nous faire appuyer sur un bouton.
Des bandes grises, je n'en ai pas beaucoup vu. Par contre, j'ai bien vu, malgré ma chaise infernale qui penchait toujours à droite, ce fichu écran qui coulait en permanence de son coin inférieur gauche, en plus de son mouvement de tangage.
Ces objets de mesure étaient devenus franchement hostiles, et je profitais des quelques minutes de répits entre chaque séance de caméra-conserve et d'écran dégoulinant pour faire le tri entre la réalité et les fantaisies de mes perceptions. J'avais abandonné le projet de rejoindre le salon de repos qui diffusait des programmes télévisés qui échappaient à ma compréhension, et préférais le calme relatif de ma chambre. C'était sans compter la frénésie qui s'était emparée de cette pièce. Les dalles du plafond me tombaient dessus, et la fenêtre qui offrait un échappatoire à cette agression laissait entrevoir de majestueuses volutes bleues dans le ciel, transitoirement masquées par des toiles de parasol à carreau. Lorsque je fermais les yeux, le matelas amplifiait le roulis de ses vagues, me labourant le dos au passage, et aggravant ma nausée. Mes vomissements abondants dans la cuvette des toilettes n'étaient pas améliorés par la nourriture peu appétissante en barquette, mais semblaient diminuer les mouvements aléatoires de mon estomac.
Dans tout cet amalgame sensoriel , il n'y avait même pas d'euphorie. Juste une conscience lucide que toutes mes perceptions, y compris celles de la position de mon corps dans l'espace, étaient tout simplement court-circuitées. Des infos toutes neuves et toutes fausses, de froides hallucinations pour un voyage chez les psychotiques.

L'effet dura quelques heures en tout, ce qui n'était pas si mal pour une première expérience au pays du shunt cérébral. Je retrouvais progressivement l'usage de mes organes sensoriels, et en profitait pour récupérer mon chèque exorbitant, avec la vague impression d'avoir été grassement payé pour avoir eu un trip.

Quelques mois plus tard, je recroisais le médecin du centre pharmacologique clinique d'essai thérapeutique qui m'apprenait que le neuroleptique ne serait pas commercialisé.
Peut-être parce qu'il augmentait le nombre de clignements de paupières...?


14/08/2003



 

12/08/2003

Session de rattrapage
Je devais bien renouer avec le monde de la communication et de la sociabilité, et cela passait forcément par la mise en route de mon téléphone portable jusqu'alors éteint, et sortir un peu la tête de la sphère intimiste et recluse dans laquelle je me trouvais depuis quelques jours. C'est pendant l'écoute de la collection d'hommages qui encombraient ma messagerie, sous forme d'attentions touchantes, de chansons, ou de reproches face à mon silence, que Lyly m'invita à venir voir sur le champ ce qui se tramait sur quelques blogs étroitement liés à mes visites quotidiennes.
Le contenu des posts de Kylie et Pix me laissait sans voix. D'abord parce que touché par une attention que je n'attendais pas, puis par l'estime que je porte aux deux personnes qui ont écrit ces mots, et enfin un peu par sentiment d'injustice, n'ayant jamais fait allusion à une rencontre qui m'a enchanté, par manque de mot, de courage, et peut-être un peu par excès de pudeur. Je me retrouve maintenant au pied du mur et incapable de m'en tirer avec des pirouettes de style pour parler de ces deux personnes.

J'ai déjà lancé quelques mots sur Pix, mais ils manquaient sans doute de précision, si ce n'est d'exactitude. Dire qu'il est agréable n'est pas suffisant. Il fait parti de ces personnes dont on recherche la compagnie car il y a une grande âme derrière. Cela va de la serviabilité à la franchise, en passant par un sens de l'humour et de l'autodérision hors du commun, sans oublier une culture musicale passionnelle que l'on souhaite contagieuse. La simplicité dont je parlais n'avait rien de péjoratif, mais excluait seulement toute superficialité et tout comportement calculateur. Sa sensibilité et sa courtoisie font de lui un gentleman avant tout.

Il y a quelque chose d'approchant la personnalité de Kylie dans son blog, mais qui est en dessous des impressions éprouvées en la rencontrant. Joviale et enjouée, elle possède cette légèreté et ce naturel qui caractérisent ses posts, sans pour autant sacrifier la pertinence des observations et des remarques. A l'image de ses écrits, son apparente ingénuité n'est là que pour mieux servir son sens de l'humour et de l'à-propos. Dotée d'un charme naturel déroutant, son célibat ne s'impose que plus comme une énigme.

Mon blog n'a jamais été un outil de rencontre, mais s'est trouvé remplir cette fonction par un jeu de hasards et de coïncidences, à la fois temporelles et géographiques. La richesse et la joie procurées par ces instants ne peuvent être que des incitations à vivre de nouveaux instants de découverte, et surtout d'approfondir les plus agréables comme ceux-ci.


10/08/2003

La visiteuse du Samedi
Les week-end se suivent et ne se ressemblent pas. Cependant, ils ont tout de même un point commun, celui d'être indubitablement romanesques et romantiques. On lirait des histoires comme celle-là, qu'on n'y croirait pas. Une sorte de photo de David Hamilton, en un peu plus torride et moins juvénile.
Il ne manquait plus que la musique, et Pix s'en est chargé...


08/08/2003

J'emmerde les dress code
Mme T., 54 ans

-Mme T: Tiens, vous recevez en sandales, aujourd'hui...?

-Moi: Vous aussi vous en portez!

-Mme T.: oui, mais moi je ne suis pas médecin

-Moi: ça n'empêche pas d'avoir chaud

-Mme T.: En tout cas, c'est bien la première fois que je vois ça.

-Moi: Et si je mettais une cravate, ça vous choquerait moins...?


06/08/2003

Le guide des réponses
Il y a toujours ce petit moment d'exaltation quand j'ouvre ma boite aux lettres, comme si je m'attendais à recevoir un paquet que je n'aurais jamais commandé, ou une jolie lettre émouvante. C'est un peu cet étonnement et cette curiosité qui sont survenus aujourd'hui en recevant cette grande enveloppe manuscrite. Mon enthousiasme est rapidement tombé quand je me suis aperçu qu'elle était adressée à "Monsieur et Madame ded". Déjà une certitude: l'expéditeur ne me connaissait pas.
A l'intérieur se trouvait une revue intitulée "reveillez-vous". Je commençais à bouillir d'impatience à l'idée des articles révolutionnaires qui allaient enfin m'annoncer comment éradiquer l'anesthésie intellectuelle qui semble toucher une bonne partie de l'humanité, et la mienne par la même occasion. C'est à ce moment que je suis tombé sur la lettre manuscrite qui accompagnait la revue, écrite par ma bienfaitrice, madame G, qui m'expliquait toute la pertinence des articles, et l'absolue nécessité d'en absorber les contenus jusqu'à la dernière goutte.

Le thème phare de la revue était la détérioration des conditions météorologiques, et l'ensemble des dégradations de l'environnement. Le premier article, un peu vulgarisant, était écrit par un monsieur hyper spécialisé en sinistres, et tentait de démontrer par des arguments fragiles que les catastrophes naturelles seront de plus en plus fréquentes.
Le second article, signé par aucun spécialiste (ni aucun autre auteur, d'ailleurs), m'apprend des tas de choses que j'ignorais jusqu'ici:
-Les Hommes sont entièrement responsables des catastrophes naturelles
-Bientôt, il y aura un nouveau monde créé par dieu dans lequel il n'y aura plus aucune intempérie.
-Ce nouveau monde, qui remplacera la domination humaine corrompue, sera dirigé par un nouveau gouvernement qui administrera la terre.
-Ce nouveau monde, donc cette nouvelle administration, ne sera accessible qu'aux fidèles de dieu.

"Zut alors, je vais encore me retrouver esclave..." pensais-je, le regard distrait en tournant les pages. Je décidais donc d'exorciser ces mauvaises nouvelles en tentant de remplir quelques grilles de mots croisés proposés, mais nouvelle déception, je me rendis compte que ma culture était suffisamment inexistante pour ne même pas comprendre les définitions. je crois surtout que les références bibliographiques se rapportaient à des lectures que je n'avais pas.

Après la rubrique culture et divertissement, il devait forcément y avoir un brin de philosophie pour en faire une revue digne de ce nom. Le titre de l'article était "La haine ethnique est-elle justifiée?". Ah, ben ça tombe bien, parce que je me suis toujours posé la question, et je n'ai jamais réussit à trouver de réponse. Grâce à cet article plein de finesse et de bon sens, j'ai pu comprendre que la réponse était...dans la bible. Comme les réponses aux mots croisés, et l'annonce de la nouvelle administration divine, d'ailleurs.

Si pour comprendre une revue de 30 pages, il faut lire une notice qui en fait 1500, je ne peux que remercier madame G de m'avoir éveillé, de m'avoir montré à quel point j'étais endormi et ignorant face à ses propres certitudes.


05/08/2003

Compte d'apothicaire
-V. le Pharmacien: Nous avons reçu toute une liste de médicaments qui vont être retirés de la vente.

-Moi: Je suis au courant. Bientôt vous allez devoir cultiver vos propres plantes pour fabriquer vos propres médicaments. Vous allez redevenir apothicaire dans quelques années. Et moi phytothérapeute.

-V. le Pharmacien: ...mmmh, en fait c'est déjà fait. Je cultive déjà pour mon compte.

-Moi: Ah oui? vous avez vos plants d'aubépine et de passiflore...?

-V. le Pharmacien: ...Euh, pas vraiment. Une plante un peu plus anxiolytiques...

-Moi: Ben ça tombe bien. Vous pourrez la vendre dès qu'ils auront retiré les benzodiazépines du marché.

-V. le Pharmacien: Oui, si de votre côté vous apprenez aux retraités à rouler...


04/08/2003

Si ton corps se balance, verras-tu plus loin?
Alors que personne ne sait vraiment ce qui a bien pu se passer dans cette chambre à Vilnius, la tentation d'exploiter la situation et le prétexte du devoir étaient trop forts pour ne pas alimenter la polémique et le débat, quitte à dériver dangereusement vers le bavardage malveillant. Ni le milieu du cinéma, ni celui de la musique, pourtant tous deux ordinairement très prolixes, n'étaient en état de nourrir le brasier que tentaient d'attiser certains vampires de l'information. Qui d'autre que SOS femmes battues pouvait-on inviter, alors même que l'association ne possédait pas encore de figure emblématique sur laquelle jeter des pierres? Maintenant le coupable porte un visage qui sera brandi devant toute nouvelle tragédie, un homme connu qui va payer pour tous les inconnus, par le simple biais de cet amalgame conspiré simplistement manichéen.
Pendez-le haut et court, pour bien vider l'abcès de haine dont souffrent les victimes, car en toute chose il faut un coupable.



01/08/2003

01/08/2003

Ecriture soyeuse

Une histoire simple avec des mots simples. Celle d'un jeune homme qui découvre le japon pour en exporter des vers à soie, en plein coeur du 19° siècle. La brieveté du roman entoure les personnages d'un voile mystérieux, et plonge dans le mythe de l'amour impossible, de la passion multiple, de l'exotisme, du voyage, du regret, et de la contemplation de son destin.

Toutes ces choses qui resteront mystérieuses dans nos vies et pour lesquelles nous n'aurons jamais de réponse...